FAST FASHION | CONSÉQUENCES DÉVASTATRICES DE LA MODE À PETIT PRIX

FAST FASHION | CONSÉQUENCES DÉVASTATRICES DE LA MODE À PETIT PRIX

Vous avez craqué sur un vêtement, un t-shirt, une paire de chaussures en mettant vos bonnes résolutions éco-responsables au placard pour un instant ? Qui peut vous blâmer, nous l’avons tous fait. Nous avons tous, dans un moment de faiblesse émotionnelle, cédé à l’achat compulsif, à l’appel de la fast fashion. Malheureusement, cette sensation de liberté aussi fugace qu’une boîte de chocolat un jour de déprime est lourde de conséquences. Derrière cet achat anodin se cachent souvent des enfances brisées, des employés maltraités et des pratiques qui vont bien au-delà de ce que nous, occidentaux, pouvons imaginer. Comment les grandes marques de la mode éphémère ont réussi à nous rendre responsables d’un esclavagisme moderne ? Voici quelques réponses.

NAISSANCE DU CONCEPT DE LA MODE JETABLE

DÉFINITION

La fast fashion est un terme anglo-saxon (encore un) pour désigner le renouvellement rapide des collections, dans l’habillement plus particulièrement. Alors qu’auparavant, la mode était rythmée par les saisons printemps/été et automne/hiver, la fast fashion propose des nouveautés tout au long de l’année. L’objectif étant de suivre les tendances vestimentaires en offrant au consommateur la possibilité d’être à la pointe de la mode en permanence. Les délais de création sont incroyablement courts, on parle souvent d’un mois entre la conception et la mise en vente d’un produit. 

D’UN CONCEPT MARKETING À UN MODE DE CONSOMMATION DESTRUCTEUR

On attribue l’invention de la fast fashion à l’espagnol Amancio Ortega. Son nom ne vous dit peut-être rien, c’est pourtant aujourd’hui l’un des hommes les plus riches de la planète. Amancio Ortega est le fondateur de Zara. À l’époque de la création de la marque, il voulait pouvoir proposer des vêtements de luxe au grand public. Des prix cassés, des collections renouvelées 6 à 8 fois par an, des campagnes publicitaires hypnotisantes et des stocks limités, voici la recette parfaite pour consommer à outrance. Zara et les autres grandes marques ont réussi à créer un besoin, une addiction, une tentation insoutenable d’avoir un look tendance toute l’année. Le phénomène s’accentue de plus en plus depuis les années 2000, avec l’apparition des réseaux sociaux et la culture grandissante de l’image. 

Et pourtant, votre veste achetée chez Primark à 20 euros, c’est un peu le Alain Deloin de la haute couture. Une matière première de qualité médiocre, des finitions grossières, un tissu qui ne tiendra pas plus de deux lavages sans faire des peluches, bref une veste quasiment jetable. Et tout est calculé ! Fabriquer des vêtements qui ne tiendront pas jusqu’à la saison prochaine, c’est exactement l’objectif de la fast fashion

Chaque année, entre 80 et 100 milliards de vêtements neufs sortent des usines. Tous les ans, en France, c’est 12 kg par habitant jetés à la poubelle. On passe à 37 kg par an chez les Américains. Un vêtement est porté en moyenne 7 fois avant de finir au fond d’un placard ou dans les décharges. Cela représente des milliards de tonnes de vêtements, à peine, voire jamais portés, que l’on jette sans états d’âme et sans se douter de l’impact humain que cela implique.

CONSÉQUENCES DE LA FAST FASHION : L’EXPLOITATION DES PLUS FAIBLES

Pour tirer les prix toujours plus vers le bas, les marques délocalisent et sous-traitent là où la main-d'œuvre est la moins chère. Mais cela signifie, malheureusement, des conditions de travail scandaleuses et une maltraitance humaine insoupçonnée. 

DES ENFANTS À QUI ON A VOLÉ LE DROIT DE RÊVER, DE JOUER, D’APPRENDRE 

En Inde et en Asie, pays dans lesquels le seuil de pauvreté est très bas, les enfants n’ont parfois pas d’autre choix que de travailler pour survivre. Déscolarisés très tôt, ils atterrissent dans les champs de coton. Ils récoltent la fibre tant convoitée 12 heures par jour, 6 jours sur 7, sous un soleil écrasant pour un salaire de misère. Exposés aux pesticides et autres produits chimiques (tellement dangereux que certains sont interdits en France), ils finissent inévitablement par développer cancers, maladies respiratoires et autres graves problèmes de santé. 

La moyenne d’âge dans les ateliers de confection est également très jeune. En 2016 selon une enquête de l’ODI (Overseas Development Institut), au Bangladesh, 15  % des enfants entre 6 et 14 ans travaillent plus de 64 heures par semaine dans l’industrie textile. À partir de 14 ans, le chiffre atteint les 50 %.

Des enfants privés d’éducation, condamnés à la maltraitance, aux conditions de travail dangereuses, aux bidonvilles et à une vie de misère.

Parfois, comme au Bangladesh, quand ils ont la “chance” de pouvoir aller à l’école, c’est au milieu des manufactures textiles et des usines de teinture. Mohammed Abdul Ali, directeur d’une école dans la banlieue de Dacca, raconte dans un documentaire sur la chaîne YouTube Le Devoir, que ses élèves ont souvent des problèmes respiratoires. Le canal à côté de la cour de récréation est un dépotoir à produit chimique pour les usines voisines. La plupart des parents d’élèves sont conscients des conséquences pour la santé de leurs enfants, mais ne peuvent pas se permettre de se plaindre. Ils travaillent tous pour l’industrie textile. Pour eux, contester signifie perdre son emploi. Alors, la situation est figée dans une précarité insoutenable. 

DES FEMMES EXPLOITÉES ET SOUS-PAYÉES JUSQU’À LEUR DERNIER SOUFFLE

En 2014, Libération part à la rencontre Hong Chantan, une Cambodgienne qui travaille dans les usines de textile depuis l’âge de 20 ans. À la mort de son père, elle quitte son village natal pour la ville. Arrivée à Phnom Penh, elle travaille dans plusieurs sweatshop, appelés aussi ateliers de misère. Elle y relate le rythme infernal, les journées de plus de 12 heures, 6 jours et demi sur 7, sans aucun jour de congé. Les pauses déjeuner sont restreintes au strict minimum. Interrompre son travail pour aller aux toilettes, c’est risquer une journée de suspension, voire de perdre son travail. Pas question de parler avec ses collègues. Les fenêtres sont voilées et fermées pour éviter tout lien avec l’extérieur. Une chaleur accablante règne dans les ateliers. Une ventilation défectueuse combinée à des odeurs d’égouts et de solvants provoquent souvent des malaises. Sans parler des fibres volatiles dans l’atmosphère responsables de maladies respiratoires. Pressions, intimidations, et même menaces de mort font partie du quotidien de Chantan. Tout ça, pour un salaire qui lui permet à peine de se nourrir et de payer le loyer d’un studio de 12 m² dans lequel elle vit avec toute sa famille. 

En 2017, le magazine en ligne Salte.fr relate un témoignage qui fait froid dans le dos.

Talisma, jeune bangladaise de 23 ans confectionne des vêtements pour les grandes marques depuis l’âge de 13 ans. Elle souffre d’une toux sèche depuis deux semaines, mais son patron refuse de lui accorder un seul jour de congé. Une grosse commande doit être livrée et pas question d’être en retard. Alors, ce jour-là, un peu plus faible que les autres jours, elle vient travailler quand même, pour ne pas perdre son travail. Quelques heures après avoir commencé sa journée, elle s’écroule au pied de sa machine à coudre. Face à une insuffisance respiratoire, son cœur a lâché. Son corps sera déposé comme du bétail dans la rue. Il gisera, là, au milieu des passants pendant des heures, avant que son mari vienne le chercher après sa journée de travail.

UNE PRISE DE CONSCIENCE D’UN CÔTÉ, DES DROITS DE L’HOMME BAFOUÉS DE L’AUTRE

Depuis ces dernières années, plusieurs scandales ont fait prendre conscience à la population que cette situation ne pouvait plus durer. L’industrie de l’habillement en a pris pour son grade. Les grandes marques ont pris des engagements responsables pour proposer des articles plus éthiques. H&M, par exemple, propose depuis quelques années des vêtements en coton biologique. Gap, tente de se racheter une image en donnant chaque année une partie de leur profit au P.A.C.E, un programme permettant à leurs employées du bout du monde de développer leurs compétences. Nike se lance dans la fabrication de chaussures zéro déchets et prône le développement durable. Greenwashing ou réalité ? L’actualité parle d’elle-même.

Des révélations récentes sur un camp de travail forcé en Chine, nous prouvent que le combat n’est pas encore gagné. Les Ouïghours, une minorité musulmane chinoise, sont persécutés depuis quelques années au nom de la lutte contre l'extrémisme religieux. Emprisonnés dans des camps officiellement appelés “centre de formation professionnelle”, ils y sont maltraités, et torturés avant d’être conduits de force dans des usines de textile à travers le pays. Selon un rapport australien de l’ONG ASPI, plus de 80 000 Ouïghours sont concernés par le travail forcé. Des produits de plus de 80 marques sont fabriqués dans ces ateliers. Parmi lesquels on retrouve Nike, H&M, Zara, Lacoste et bien d'autres. Aujourd’hui, on considère qu’un vêtement en coton sur 5 dans le monde proviendrait de ces ateliers de l’horreur.

Un autre exemple nous emmène cette fois-ci, non pas à l’autre bout du monde, mais chez nos voisins les Anglais. L'esclavagisme moderne, ça se passe aussi chez nous. En juillet 2020, Labor Behind the Label, une association de défense des droits des travailleurs met en lumière l’envers du décor de la fameuse marque de prêt-à-porter britannique Boohoo. Leicester, une ville peu connue du centre de l’Angleterre est au cœur de cette polémique et plus particulièrement son usine de confection. La plupart des employés sont issus de l’immigration et n’ont pas de statut légal. On reprend la même formule que dans les ateliers de l’autre bout du monde : salaires ridicules, maltraitance, conditions de travail déplorables et employés sous pression. À cela, viennent s’ajouter des mesures sanitaires scandaleuses en période de pandémie : distanciation sociale non respectée, et travail dans des conditions sanitaires désastreuses avec des employés atteints de la Covid-19 obligés de venir travailler pour honorer les commandes.  

LA MISE EN DANGER DE TOUTE UNE POPULATION

À Dacca, dans la capitale bangladaise, c’est toute une population qui paie les frais de la fast fashion. À Hazaribagh, un quartier industriel aux allures de bidonvilles, s'entassent plus de 300 tanneries, dont la moitié est illégale. 

Les conditions de sécurité y sont bien évidemment inexistantes. Aucun équipement de protection n’est fourni. Les ouvriers travaillent pieds nus et manipulent des substances nocives sans gants. Dépourvus de masque de protection, ils développent également des problèmes respiratoires à cause des émanations de vapeurs toxiques. Les équipements et les machines sont vétustes et provoquent de façon récurrente des accidents graves allant de l'amputation d’un membre jusqu’à la mort.

Le travail du cuir nécessite par ailleurs l’utilisation de dizaines de produits chimiques, parmi lesquels on dénombre du mercure, du chrome, du chlorure, de l’acide, et même de l’arsenic. Tous ces produits chimiques sont ensuite déversés en toute illégalité et en toute impunité dans la rivière. Chaque jour, c’est plus de 22 000 m³ déversés (soit l'équivalent de 9 piscines olympiques) dans les cours d’eau de la ville dans lesquels la population se baigne, s’abreuve, pêche et parfois même travaille. 

Dans les rues, l’odeur est suffocante, nauséabonde à cause des carcasses d’animaux en décompositions issues des tanneries. Ces conditions sanitaires désastreuses inquiètent les ONG. Problèmes respiratoires, diarrhées sévères, hépatites, urticaires, démangeaisons, insomnies, la production du cuir affecte la santé de centaines de milliers de personnes. À Hazaribagh, 90 % de la population meurt avant d’avoir 50 ans. Aujourd’hui, on considère ce quartier comme l’endroit le plus pollué de la planète.  

Mettre fin à la pauvreté dans le monde, à la maltraitance infantile et à l’exploitation humaine, soyons honnête c’est utopique. Impuissants face à ce qu’il se passe à l’autre bout de la planète, nous avons toutefois les pleins pouvoirs sur le destin de nos armoires. En revoyant notre mode de consommation, en achetant plus responsable et moins souvent, nous pouvons changer les choses. À nous de montrer à la nouvelle génération qu’on peut être tendance en portant un pull deux hivers de suite et qu’on peut avoir l’air cool dans un polo fabriqué avec des bouteilles en plastique. À nous de démontrer que ce qui est vraiment has been aujourd’hui c’est la fast fashion.

Par Sylvie Lim

Pour aller plus loin : 

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